qafila khamisa

journal: jours 03-05


JOURNAL

 

 3. journal: jours 03-05

JOUR 03

 

25.10.2021

5h40 / 25,14 km

Ce matin, au réveil, j’ai assisté à une bataille de mouches, mais on pourrait dire aussi des mini-drones. Elles levaient le vol pour impacter l’une contre l’autre, face à face. C’était assez surprenant. 

La chaleur ou bien le manque de fraîcheur pendant la nuit était le présage d’une journée avec des températures autour de 35-37ºC. Avant partir j’ai demandé à Nefaa le type de terrain que nous allions traverser afin de me mettre, ou pas, les chaussures de randonnée; puisqu’il m’a dit que nous allions avoir des petites dunes mais ensuite pas mal de cailloux, j’ai laissé les sandales accrochées à un chameau. 

Les premières dunes nous ont fait les contourner et les espaces qui laissaient étaient tellement suggestifs… Mais parfois nous marchions sur des gros rochers plats et au même niveau que le sable, comme si les romains avaient été ici et avaient construit des routes. D’ailleurs la couleur des rochers pouvait changer, noir, gris-bleu, marron…

En arrivant à la petite chaîne de montagne, je me suis rendu compte que nous allions grimper… mais avant il fallait traverser un “champ de dunes”. En effet, des dunes isolées au milieu d’un terrain noir (gravier sur sable), ce qui faisait un contraste plus acentué.

Le problème de la beauté du paysage est qu’elle te fait t’arrêter pour prendre des photos (en 2D et 360º) et des vidéos, mais Nefaa et les chameaux ne s’arrêtent pas, c’est à dire, à chaque photo, il fallait que j’accélère la marche pour les rattraper et à chaque fois c’est un effort que je dois faire; si l’on ajoute la fatigue, la chaleur et les premières pentes, c’était normal que j’aille des problèmes par la suite, comme mal de tête… La montée, en plus, était sur le sable, ce qui rendait la marche encore plus lente et pénible. En revanche, la vue était magnifique sur ce “champ de dunes blanches”.

Sur le “plateau” des petits acacias, des gros cailloux, du sable et des graviers. Il paraissait comme si nous marchions sur un catalogue de “terrazo in-situ”, avec plusieurs couleurs de fond et des graviers noirs, gris, marrons.

À un moment, je croyais que j’allais devoir monter sur le chameau, mais finalement je me suis mis à penser des choses qui pourraient m’éloigner du moment présent. Je pense que cela a été le pire moment des 5 qafilas. 3h30 après le départ nous avons rencontré un petit acacia pour nous reposer. 

 

Une fois allongé, je n’ai pas bougé pendant 2h avant de manger un oeuf, une tomate et une portion de la vache qui rit, du pain que j’avais fait hier et une pomme. Ensuite, la sieste… À son tour, Nefaa a mangé, à nouveau, le pain avec la viande sèche, chauffée avec de l’eau. Une fois fini le repas, Nefaa ne pouvait pas rester sans rien faire. Des 4 heures de repos, il s’allongeait que 20 minutes. Vers 15h il est parti chercher les chameaux, mais il n’est toujours pas de retour après 45 minutes… À chaque fois je me demande, que ferais-je s’il ne rentre pas ou s’il le fait sans les chameaux? 

 

J’avais oublié que pendant le trajet, apart les traces de scarabées, j’ai observé ce matin des petits points sur le sable, plutôt, sur les morceaux de sable. En arrivant aux dunes, j’ai compris que pendant la nuit il y a eu un peu de pluie, en fait, hier, en arrivant au campement, j’ai vu des brouillards loin, près des montagnes et j’avais posé la question à Nefaa: Est-ce qu’il y aura de la pluie cette nuit? Car nous n’avions pas de tente… 

Finalement des gouttes d’eau sont tombées mais à quelques kilomètres de notre position.

Bien si nous sommes partis à 16h, je croyais que nous allions faire 1h30 maximum, mais quand j’ai vu que Nefaa accélérait la marche, je me suis dit qu’il voulait arriver dans un endroit précis avant le coucher du soleil. Le problème était que j’étais mort. La journée avait été très dure avec la montée des montagnes et en plus, Nefaa voulait raccourcir le chemin qui suivait le lit d’une rivière, cela nous obligeait à monter et descendre des petites collines sur un terrain de cailloux et sable qui était dangereux car la fatigue m’empêchait de bien placer mes pieds avec le risque d’avoir une entorse. Au moins, le lieu choisi était beau.

Au début de la nuit, un homme est apparu avec une escopette… Il a salué Nefaa et ils se connaissaient car les deux étaient de Chinguetti. Il voyageait avec 2 chameaux qu’il amenait à son fils qui est entre Tidjikja et Tichit avec un troupeau. Il a dîné avec nous et puis tous les deux sont partis à la chasse de lapins… J’étais presque endormi quand j’ai entendu 3 coups, en ayant comme résultat 2 lapins, dont un pour nous. Nous allons changer le menu demain.

À la sortie de la lune, le vent s’est levé et nous avons dû supporter l’apport de sable pendant toute la nuit…

 
 

JOUR 04

 

26.10.2021

5h08 / 22,27 km

Le vent n’a cessé de souffler pendant toute la nuit et je n’ai pas pu bien dormir mais cela nous a fait bouger plut tôt que d’habitude. À 7h nous marchions, toujours vers le sud. Depuis le début j’ai eu soif, malgré le demi-litre que j’ai bu en chargeant les chameaux. J’ai essayé de ne pas penser à la soif et de manger des mandarines le plus tard possible. J’ai aussi dû faire un exercice mental pour ne pas penser combien il nous restait. J’ai pensé à la rencontre avec mes amis à Atar, j’ai pensé aller à la plage à Nouakchott et à Las Palmas, j’ai pensé ce que j’allais faire avec toute la documentation, j’ai comparé ce moment avec ceux lors de mes entraînements à Ceuta (et à Malaga), oui, encore une fois. La principale différence? L’absence de la mer, et le petit déjeuner (café au lait et pain grillé avec de l’huile et de la tomate)…

Tout allait bien dans un terrain monotone des cailloux et du sable, sauf que la première fois que j’ai pissé, l’urine était rouge! J’avais déjà vécu ça pendant Qafila Thalitha, cela était un symptôme de déshydratation, conséquence, il fallait boire plus d’eau. 

Nefaa m’avait dit qu’aujourd’hui nous allions passer par un puits. Je croyais qu’il était près des montagnes ou collines que nous traversions perpendiculairement, mais j’ai divisé 2 bidons de 500 l blancs, au milieu d’une esplanade, entre 2 bras de terre sur les dunes. À côté il y avait des panneaux solaires et un petit bassin avec de l’eau qui coulait tout le temps. En arrivant 4 ânes étaient en train de boire, ils nous ont vu et ils se sont mis à côté pour que nous puissions remplir nos bidons et pour que les chameaux puissent boire. Quand j’allais remplir ma bouteille, Nefaa m’a averti de ne pas le faire car il y avait trop de sel. En partant, un autre groupe d’ânes s’approchait et ils ont attendu leur tour. Il nous a fallu encore 20 minutes pour nous reposer à côté d’un petit talha.

 

Ce matin nous avons vu des traces de voitures, au 4ème jour, et nous avons entendu un avion à hélice pendant le repos.

Avoir commencé la marche 25 minutes avant, nous a fait avancer tous les horaires, ce qui est bien parce que nous pouvons profiter du paysage pendant que l’on prépare le dîner, les jours d’avant, dès que nous nous installions (après avoir laissé partir manger les chameaux, cherché du bois…), la nuit tombait. Pendant les 2h (de marche), c’était très intéressant de traverser des rochers de 5-6 m de hauteur, noir-vert, très spectaculaire de voir les chameaux entre eux. Certains rochers paraissaient sculptures, d’autres des navettes spatiales abandonnées.

Au fond du paysage j’ai vu un lac de dunes, assez hautes, qui m’ont fait peur, mais Nefaa m’a dit que nous allions les contourner demain. Puisque l’après-midi nous avons eu du vent, j’ai testé pour la première fois des lunettes pour le sable que j’avais lu dans Méharées (T. Monod) mais que Zaida m’avait dit (recommandé) aussi à Nouakchott. 

 
 

JOUR 05

 

27.10.2021

5h02 / 23,09 km

“PAS CHANCE”, était la réponse quand j’ai posé la question à Nefaa, comment il ferait si jamais nous avions du vent fort pendant la nuit et que nous n’avions pas une tente. Alors, cette nuit nous avons eu PAS CHANCE. Au milieu de la nuit le vent s’est mis à souffler avec une vitesse proche à 50 km/h. Nous avions choisi un endroit avec du sable pour être plus confortable, mais nous aurions dû choisir un à côté d’un arbuste ou même derrière un des rochers. J’ai senti comment le sable coulait entre mes affaires, que je mets toujours comme protection, mais le sable rentrait partout, même dans mon sac de couchage à moitié ouvert. J’ai pu trouver, sans pouvoir ouvrir les yeux, les lunettes et les masques contre la COVID, si non, j’allais respirer que du sable. Ensuite, j’ai fermé complètement le sac et j’ai couvert la partie de mon visage avec mon turban, afin que l’air puisse rentrer mais pas le sable. Je sais que j’ai dormi un peu, mais cela a été un cauchemar. 

Le matin, le vent continuait et nous avions toutes nos affaires à moitié englouties par le sable.

Malgré le manque de sommeil, nous avons pris un thé rapidement et à 7h40 nous marchions déjà. Les 2 premières heures ont été bien, on traversait des formations rocheuses, comme si quelqu’un avait groupé les roches noires rondes. À chaque passage, Nefaa trouvait un couloir avec du sable, ou bien, des dalles en pierre. Entre les formations il y avait du gravier mélangé avec du sable, mais à partir d’un moment, des rochers beiges ont pris la place des noirs, puis des dunes isolées. Nefaa m’avait expliqué que nous devions contourner une extension importante des dunes et cela nous faisait marcher entre montagnes, où les dunes donnaient l’impression de les grimper. C’était des effets assez intéressants. Après 3h30, épuisés, nous nous arrêtons à côté d’un talha, très fatigués et toujours avec beaucoup de vent qui nous fait respirer et manger du sable. Peut-être que bientôt j’aurais les yeux bleus comme les Fremen…

Nous sommes à 160 km de Tidjikja et en théorie nous devons faire “seulement” 20 km par jour, c’est à dire, marcher 5h par jour, tandis qu’au Maroc, on pouvait faire 25 km avec la même durée. Bien si le sable est toujours présent, le fait de l’avoir avec d’autres matériaux, fait la marche “plus facile”, mais Nefaa m’a déjà dit qu’ils nous manquent 2 jours qu’avec des dunes, cela serait les journées nº10 et 11, avant arriver au premier village depuis notre départ. Au moins, avec Nefaa, je peux me laisser porter, il connaît très bien le terrain et il contrôle, pas les distances mais le temps pour arriver à chaque point de repos.

En tout cas, j’arrive pas à comprendre ce qui m’arrive. Aujourd’hui, j’ai eu, à nouveau, des problèmes de déshydratation, tandis que je bois avant partir et à partir de la première heure, en plus, il faisait pas chaud grâce au vent. Et puis, je commence à m’inquiéter parce que cela fait 5 jours que “je n’ai pas trouvé les toilettes”  (Qafila Oula étaient 8 jours). C’est à cause du pain, de la marche…? Aucune idée mais la prochaine qafila je vais amener quelque chose.

Toujours du vent pendant le repos. Nefaa continue à faire de la cuisine, je pense parce qu’il n’a pas trop aimé mes deux plats que j’ai préparé le 2ème jour. Aujourd’hui il a utilisé, encore une fois, de la viande de chameau séchée, mais avec des pâtes. je lui avais proposé d’ajouter de la sauce tomate mais il n’a pas voulu.

Au moment de partir, la question d’habitude, combien de temps (il maîtrise le temps mais pas les distances) allons nous marcher?. Il m’a dit, 2h. Il me semblait beaucoup, mais je lui ai dit que si je me fatiguais j’allais monter sur le chameau…

C’était bizarre d’avoir des montagnes comme référence surtout avec l’aide de Google Maps qui nous indique notre position, bien si l’image n’as pas trop de détail, au moins elle est suffisante pour me repérer. C’est comme ça que maintenant je sais qu’il nous suffit de faire 20km par jour pour arriver à Tidjikja à la date convenue.

*J’avais téléchargé à Chinguetti la zone que nous allions transiter sur l’application Google Maps.

Pendant le chemin nous avons retrouvé les dunes, d’une couleur orange, très jolie. Loin, on pouvait voir l’ensemble de dunes que nous essayons d’éviter. Si tu les regardes, c’est comme si elles te défiaient…

Nefaa voulait s’arrêter après une heure mais je me trouvais bien et je lui ai proposé de continuer même 1h de plus, mais il cherchait un endroit pour nous installer sans sable et avec des arbres pour nous protéger du vent et pour que les chameaux puissent manger. Il y avait un arbre avec des épines comme les talhas mais avec une forme verticale. Il s’appelle taichot (Balanites aegyptiaca) et les chameaux l’adorent.

Au même temps que nous installions le “campement”, un petit troupeau de chèvres avec quelques chameaux et ânes, sont passés à côté. 2 jeunes de Chinguetti les menaient, un avec une escopette. À l’heure du thé, Nefaa m’a expliqué que chez lui, il était apathique, mais maintenant qu’il est dans le désert, il se sent bien. Il n’est pas nomade mais il est quelqu’un du désert. Par contre, ses deux fils et sa fille ne l’accompagnent presque jamais. 

Je lui ai demandé son avis par rapport à T. Monod mais il l’a jamais rencontré, par contre son frère, si, parce qu’il partait en expédition avec lui. J’aimerais parler avec son frère la prochaine fois que je viens à Chinguetti, peut-être pendant Caravane Ouadane.

 
 


Crédit vidéos, photos, textes et dessins: Carlos Perez Marin

Caméras: iPhone XS Max et Leica M6 (Ilford FPE Plus 125)